Le bloc ouest-africain privilégie la diplomatie pour résoudre la crise au Niger tout en maintenant sa menace d’intervention militaire pour “rétablir l’ordre constitutionnel”, à la veille d’un sommet régional. Dans un communiqué publié mardi soir, la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a déclaré qu’elle continuerait à « recevoir toutes les mesures nécessaires pour assurer le retour à l’ordre constitutionnel au Niger », c ‘est-à-dire réintégrer le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions, qui a été renversé par un coup d’État le 26 juillet.
Mardi soir, le président nigérian Bola Tinubu, actuellement à la tête de la CEDEAO, avait déjà affirmé que la diplomatie était la “meilleure voie”, sans exclure une intervention militaire, selon son porte-parole Ajuri Ngelale, défini : “aucune option n ‘a été écartée par la CEDEAO”.
Le Nigeria s’exprimait pour la première fois depuis l’expiration d’un ultimatum de sept jours fixé le 30 juillet aux militaires qui ont pris le pouvoir à Niamey. Un sommet de la CEDEAO est prévu jeudi à Abuja, la capitale nigériane.
Le régime militaire délivré d’un coup d’Etat au Niger semble indifférent aux offres de négociations.
Mardi, une délégation conjointe de la CEDEAO, de l’Union africaine et des Nations Unies n’a pas pu se rendre dans le pays sahélien, comme l’a confirmé l’organisation régionale.
Cette mission a été annulée suite à une communication des autorités militaires nigériennes indiquant qu’elles n’étaient “pas en mesure de recevoir la délégation tripartite”, selon la CEDEAO.
Les militaires au pouvoir à Niamey avaient indiqué “des raisons de sécurité, dans ce climat de menaces d’agression contre le Niger”.
“Le contexte actuel de colère et de révolte de la population en raison des sanctions imposées par la CEDEAO ne permet pas l’accueil serein et sécurisé de ladite délégation”, selon une lettre du ministère nigérien des Affaires étrangères à la CEDEAO.
Discussions “extrêmement franches” –
Le même ministère précise dans une autre lettre que les “autorisations diplomatiques permanentes” accordées pour 2023 aux aéronefs des pays amis et partenaires du Niger sont temporairement suspendues, sans préciser le type d’aéronef ni les pays concernés.
Le rapport de la visite de la délégation ouest-africaine s’ajoute à un autre signe de défiance des nouveaux dirigeants nigériens : la nomination lundi soir d’un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui apparaît comme un premier pas vers la désignation d’un gouvernement de transition.
La France, l’ancienne puissance coloniale souvent vilipendée lors des manifestations en Afrique de l’Ouest, a indiqué mardi de sources diplomatiques qu’elle soutenait “les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie” au Niger.
Les États-Unis, partenaire privilégié de la France dans la lutte contre les groupes djihadistes qui minent ce pays riche en uranium et une grande partie de la région du Sahel, ont également tenté le dialogue.
Le secrétaire d’Etat Antony Blinken a annoncé mercredi sur X (ex-Twitter) qu’il s’était entretenu avec M. Bazoum, assigné à résidence à Niamey, “pour exprimer nos efforts continus pour trouver une solution pacifique à la crise constitutionnelle actuelle”.
“Nous avons encore de l’espoir, mais nous sommes aussi très réalistes”, a déclaré le porte-parole du département d’Etat, Matthew Miller, qualifiant le rapport de la visite de la délégation de la CEDEAO de “tout à fait regrettable “.
Lundi, la sous-secrétaire d’État américaine, Victoria Nuland, est venue à Niamey pour rencontrer les auteurs du putsch, une rencontre à laquelle n’a pas assisté le général Abdourahamane Tiani, le nouvel homme fort du Niger. Elle n’a pas non plus rencontré M. Bazoum.
Les discussions “ont été extrêmement franches et parfois assez difficiles”, at-elle reconnues.
Le Mali et le Burkina Faso, également dirigés par des forces militaires qui ont pris le pouvoir par la force respectivement en 2020 et 2022, ont exprimé leur solidarité avec le Niger. Ils ont déclaré que si le pays était attaqué par la CEDEAO, ce serait « une déclaration de guerre » pour eux.
Mardi, ils ont envoyé des lettres conjointes à l’ONU et à l’UA appelant à leur “responsabilité” pour empêcher “toute intervention militaire contre le Niger, dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible”.
En parallèle, M. Blinken a déclaré mardi dans une interview à la BBC que le départ forcé de M. Bazoum n’était pas “fomenté par la Russie ou Wagner”, mais a prévenu que le groupe de mercenaires russes “tenterait d’en profiter”.
Le groupe de sécurité russe Wagner s’est déployé dans plusieurs pays africains en crise, dont le Mali et la République centrafricaine, où il protège les puissances en place et assure une formation militaire. En échange, il profite des ressources locales, y compris les minéraux.