Ousmane Sonko se voyait dans un combat mortel contre Macky Sall. Voilà qu’il se retrouve avec, dans les pattes, le troisième homme, Idrissa Seck, qu’il avait peut-être vite enterré et qui semble vouloir revenir de l’au-delà ! Pour occuper la place à laquelle il prétend, à savoir être le nouveau chef de l’opposition, Idrissa Seck a une première urgence, celle de disqualifier le leader de Pastef, de l’écarter. Il s’y emploie systématiquement
-Idrissa Seck: Sonko, un “idiot”
A chacune de ses sorties, il lui réserve les attaques les plus caustiques. Il le tourne en dérision, pointe son immaturité, son irresponsabilité et le dépeint à la limite sous les vulgaires traits «d’un idiot», pour reprendre son mot. Pour l’heure, Idrissa Seck continue de ménager le Président Macky Sall, sans doute parce que ce dernier ne s’est pas encore formellement porté candidat.
L’urgence sur le front est de travailler à porter l’estocade à Ousmane Sonko, pour espérer être le porte-drapeau le plus crédible de l’opposition. Sans doute qu’ils pourraient être nombreux, le cas échéant, à ravaler leur petite rancune pour voter Idy2024 afin de chercher à barrer la route à Macky Sall. Toutes les postures semblent possibles en politique au Sénégal, quand par exemple on voit Aminata Touré oublier le mépris qu’elle a toujours affiché à l’endroit de Barthélémy Dias, Ousmane Sonko et Guy Marius Sagna, jusqu’à en arriver à en faire des amis et des camarades de lutte, on ne devra pas être surpris de la voir un jour battre campagne pour «le tortueux» qui l’a remplacée à la tête du Conseil économique, social et environnemental (Cese).
-Idy-Sonko : une animosité pas que politique
Je révélais, à travers ces colonnes, avoir rencontré, à sa demande, Ousmane Sonko en 2013. Il n’était pas encore entré en politique mais cherchait à sauver la tête de Tahibou Ndiaye, ancien Directeur des Domaines, emprisonné pour des prévarications de ressources foncières. Ousmane Sonko était accompagné de Ismaïla Ba, son partenaire des cabinets Mercalex et Atlas (sans doute un jour l’occasion sera donnée d’évoquer les drôles de péripéties de cette affaire Tahibou Ndiaye). C’était à l’occasion de cette discussion que Ousmane Sonko me confia qu’il songeait entrer en politique et me demandait un avis. Je lui suggérais d’aller militer naturellement dans le Parti Rewmi de Idrissa Seck, qui venait, quelques mois plus tôt, de se séparer de Macky Sall.
Ousmane Sonko révéla avoir essayé de se rapprocher de Idrissa Seck et l’avait déjà rencontré à deux reprises, mais avait fini par se convaincre qu’il ne pouvait rien faire avec cet homme qu’il percevait comme arrogant, trop imbu de sa personne. Je lui conseillais alors de lancer sa propre formation politique, étant entendu qu’il y avait, de mon point de vue, de la place à prendre et qu’une nouvelle offre politique incarnée par des jeunes pouvait prospérer. Le parti Pastef sera porté sur les fonts baptismaux, quelques semaines plus tard, en janvier 2014. Pour la petite histoire, quand j’en avais parlé à Amadou Bâ, alors nouveau ministre de l’Économie et des Finances, il en avait ri à gorge déployée, faisant remarquer que «Sonko a certes du bagout mais qu’il détruira lui-même tout ce qu’il aura construit».
Idrissa Seck et Ousmane Sonko se retrouveront dans les rangs de l’opposition mais leurs relations restaient des plus exécrables. D’ailleurs, Malick Gakou, leader du Grand Parti avait été amené à s’interposer entre les deux hommes, qui voulaient en venir aux mains au cours d’une réunion de “Manko Wattù” Sénégal, une coalition de l’opposition créée en 2017. Leur adversité sera exacerbée par les retrouvailles entre Idrissa Seck et Macky Sall en 2020.
Aujourd’hui, de retour dans l’opposition, Idrissa Seck, qui était arrivé deuxième à l’élection présidentielle de 2019, tient coûte que coûte à retrouver la place de leader naturel de l’opposition qu’il avait laissée à Ousmane Sonko. Ce dernier s’empêtre dans ses déboires judiciaires et cela donne des idées à Idrissa Seck, de lui rendre visite, à l’heure du laitier, déguisé et à moto, afin de lui proposer un pacte d’alliance. Idrissa Seck considère que Ousmane Sonko devra faire le deuil de sa participation à la prochaine élection présidentielle de 2024. Il l’appelle à se résoudre à s’aligner derrière lui, contre la promesse d’une réhabilitation. Ousmane Sonko ne saurait accepter d’avoir simplement à chauffer la place pour Idrissa Seck. Encore moins envisager une autre idée que d’être le successeur de Macky Sall, «quitte à y laisser sa vie».