Ils sont là aussi le danger et le drame des accointances contre nature entre le politique et le religieux. Pendant que le premier ne se souvient de la morale que quand elle lui sert, se nourrit de critiques virulentes, de piques et de profonds tiraillements dans le dialogue avec les autres bords, le dernier (au Sénégal en tout cas), se veut parfait, indiscutable, irréfragable et surtout autoritaire. A travers l’histoire, à chaque fois que le religieux a flirté de façon poussée avec le politique, il s’en est suivi des drames humains. Moustapha Sy, Président du parti PUR et personnage éminemment politique le sait lui. Ses talibés qui n’en sont pas moins instruits le savent aussi. Mais alors, pourquoi veulent-ils être choqués du fait que leur cher marabout soit pris dans le feu du politique ?
Politique et religieux, mariage dangereux
Des exemples de mariage politique/religion dans le monde et à travers l’histoire, il n’en manque pas et il n’en manquera jamais. L’Eglise qui a été séparée de l’Etat en France à partir de 1905 parce qu’elle étouffait l’appareil étatique (on a sauté l’étape de l’avalisation de la colonisation par les missionnaires), l’Afghanistan qui est devenu le tombeau des droits humains, surtout ceux des femmes et des filles à cause d’un islam discutable dans son application. L’Etat Islamique, plus connu sous le nom de Daech avec son lot de drames justifiés par l’argument religieux. Le terrorisme dans le Sahel, toujours sous couvert de la religion… Le constat dans tous ces cas de figure demeure le même : à un certain degré d’enchevêtrement du politique et du religieux, les drames humains ne sont jamais loin. On nous dira peut-être que les exemples choisis sont violents, certes. Mais parfois il est nécessaire de grossir des traits pour alerter. Aujourd’hui, c’est une gifle et un coup de pied dans le ventre d’une femme enceinte à cause d’une ”offense” au chef du parti. Et demain, ce sera quoi ?
La foi se discute certes, mais pas au Sénégal
Si l’on ne veut pas jouer la carte de la fausse objectivité, on admettra aisément que le religieux au Sénégal se suffit à lui-même. Il n’est en rien critiquable et les rares individus qui s’y risquent s’exposent à la vindicte des ‘‘talibés’’. Les chefs religieux ou Serignes sont naturellement enveloppés de cette immunité qui les absout à l’avance et pour tout. Si vous cherchez à éteindre la lucidité du Sénégalais, touchez à son Serigne, c’est connu. Mais alors, une question (simpliste ou simple, c’est selon) s’impose. Pourquoi a-t-il fallu que ce chef religieux et grand guide des Moustarchides acte de façon officielle son entrée dans l’arène politique ? Pourquoi dans cet agressif format ? Il sait, cultivé qu’il est, qu’il n’allait pas échapper aux travers connus et bien propres au monde politique. Il savait par ailleurs que ses Députés-Talibés allaient réagir à sa décharge. Et la foi, eh ben, ‘‘commande’’ très souvent et à tort, des actions regrettables, contre une femme enceinte par exemple. Il faudra poser la question à Amy Ndiaye Gniby qui a été sauvagement attaquée par Massata Samb et Moustapha Niang. Elle risque ‘‘un avortement précoce post-traumatique’’ si l’on s’en réfère à son certificat d’hospitalisation.
Afin que nul n’en ignore
Que l’on ne s’y méprenne toutefois pas. Le religieux a toujours flirté avec le politique au Sénégal et cela, même avant les indépendances, de De Gaulle (le colon) à Macky Sall, en passant par Senghor, Diouf et Wade. Mais il l’a toujours fait avec le recul et la diplomatie nécessaires à la préservation de l’inviolabilité de son immunité. Même s’il a pu concéder, à certains moments, des failles dans son approche du politique. Là, par le biais du PUR dirigé par Moustapha Sy, il change de paradigme et embrasse de front le champ politique. Et contrairement à sa posture d’antan qui était plus collaborative qu’agressive, aujourd’hui, il se pose en menace pour le régime en place. Attention au feu, il ne désavouera jamais son caractère brûlant. Au cas où il faudrait le rappeler au Moustarchid en chef.