L’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) a été le théâtre d’un acte ignoble, la semaine dernière lorsque des individus masqués ont volontairement incendié le bâtiment des archives. Cette attaque a entraîné la destruction quasi totale des documents essentiels pour la reconnaissance des parcours académiques des étudiants. L’incendie, qui fait suite aux manifestations après la condamnation de Ousmane Sonko, a mis en évidence la question de la conservation des archives au Sénégal.
Parmi les nombreux étudiants touchés par cet incendie, Lamine D., né en 1966 et ancien étudiant de la Faculté des lettres et des sciences humaines (FLSH) de l’UCAD, ne possède désormais que quelques fragments de son extrait de naissance. Tous les autres documents attestant de son passage à l’université ont été réduits en cendres, laissant des conséquences désastreuses sur la validation de son parcours académique.
L’incendie criminel a également englouti la thèse de Bakary D., un ancien étudiant en sociologie. Cette thèse, qui représentait plusieurs années de travail et comptait plus de 600 pages, est maintenant presque entièrement détruite. Seules quelques feuilles et la page de garde ont survécu aux flammes dévastatrices.
Selon le chef des archives, Lamine Diabaye, près de 200.000 archives courant de 1957 avant l’Indépendance à 2010 ont été touchées par les flammes. Il a fallu des brouettes, des chariots, et trois jours de travail pour sortir le tout de la vaste salle des archives, complètement noircie, raconte Abdourahmane Kounta, conservateur et archiviste à la faculté.
La tâche de reconstitution de ces archives dévastées a été confiée aux étudiants de l’École de bibliothécaires, archivistes et documentalistes qui se sont portés volontaires. Un travail de fourmi les attend dans les jours à venir. Il faudra trier, reclasser, conditionner le tout, énumère Souleymane Diallo, un des étudiants, volontaires. Une besogne “fastidieuse”, “complexe” et qui exige beaucoup de “minutie et de précaution pour ne pas abîmer davantage les documents”, explique Lamine Diabaye, qui ne sait pas quand cette reconstitution prendra fin.
Cet incendie met en lumière la question de la conservation des archives au Sénégal, un sujet peu débattu jusqu’à présent. Depuis l’indépendance du pays, il n’a jamais existé de bâtiment national dédié à la préservation des archives, des décrets, des arrêts, des lois et des journaux. Les Archives nationales se retrouvent donc dans des conditions difficiles, avec près de 20 kilomètres linéaires de documents jaunis par le temps, entassés sur des étagères dans un local du centre de Dakar. La pièce la plus ancienne date même de 1672.
Fatoumata Diarra, directrice des Archives nationales met en garde contre cette situation précaire et souligne le besoin urgent de mesures adéquates pour la préservation du patrimoine national. Elle souligne que l’incendie des archives de l’UCAD devrait servir d’alerte aux autorités afin qu’elles prennent en charge définitivement la conservation de ces précieux documents.
Les conséquences de la destruction des archives de l’UCAD sont vastes. Les dossiers scolaires des étudiants, les mémoires, les thèses et les documents du personnel enseignant, des chercheurs et des administratifs ont été réduits en cendres. De nombreux anciens étudiants se retrouvent ainsi lésés, car il leur sera désormais difficile d’authentifier leurs diplômes.