Le bilan des trois jours de manifestations qui ont suivi le verdict du procès Sweet Beauty se chiffre à 16 morts, 347 blessés et plus de 500 arrestations. Les protestations ont éclaté après la condamnation de l’opposant Ousmane Sonko à deux ans de prison pour corruption de jeunesse. Des jeunes mécontents ont érigé des barricades en brûlant des pneus dans plusieurs villes du pays.
La commune de Yoff, porte les séquelles des affrontements entre les manifestants et les forces de l’ordre. Le long de l’axe Brioche Dorée Yoff jusqu’à la Brioche Dorée Diamalaye, en passant par Yoff Apecsy, la commune présente un tableau effrayant.
Le paysage offre une atmosphère hideuse avec des véhicules calcinés, des échoppes vandalisées, des centres commerciaux pillés et incendiés. Yoff, autrefois animée, témoigne d’une timidité frappante en ce début de semaine. Khady Diéne, une vendeuse de beignets de farine vêtue d’un tricot de coton bleu et d’un pagne imprimé noué autour de la taille, n’arrive toujours pas à croire ce qu’elle qualifie de “cauchemar” vécu par sa commune.
En remuant l’écumoire avec une expertise inattendue, elle déclare : “Les jeunes étaient vraiment furieux, je n’ai jamais rien vu de tel, même pas pendant le problème du terrain avec la gendarmerie. Ils ont tout détruit sur leur passage, ils étaient incontrôlables. Ces jeunes s’en sont pris principalement aux produits alimentaires. À mon avis, des bandits se sont également infiltrés parmi les manifestants, ce qui explique ces scènes de pillages. Quand est-ce que ce désastre prendra fin ?” s’interroge la trentenaire. Khady baisse la tête en signe de désespoir, arborant un sourire triste.
À deux pas de la table de Khady, les débris d’un supermarché complètement dévasté sont visibles. Le supermarché “Coucou” a été pillé, vandalisé, puis incendié par les manifestants. Les murs noircis et fissurés témoignent de la violence du feu. L’ensemble du décor est macabre.
Nos tentatives pour joindre le gérant sont restées vaines. “Il sera difficile de le joindre, car même les appels téléphoniques suscitent la peur en raison des rumeurs selon lesquelles le gouvernement effectue des écoutes. De plus, il y a eu de nombreuses arrestations. Plusieurs jeunes du quartier ont été appréhendés et cela risque de continuer”, affirme Baye.D, sur un ton empreint de psychose.
Trouvé devant le magasin 6.9 qui a été épargné par les jeunes, Baye.D, toujours sous le choc, poursuit : “Ce qui me fait personnellement peur, c’est que ce sont de jeunes enfants, pas plus de 12 ans. Et pendant plusieurs heures, ils ont réussi à défier les forces de l’ordre en lançant des pneus et des projectiles sur les routes jusqu’à Diamalaye. Même les petites échoppes n’ont pas échappé à leur fureur. Nous avons subi de lourdes pertes”, déclare-t-il, les yeux emplis d’effroi.
En parcourant l’axe du Centre Aéré BCEAO jusqu’à la sphère des parkings automobiles, un fait anodin attire notre attention. L’espace réservé aux véhicules de location habituellement bien rempli est aujourd’hui vide. Par chance, nos confrères de Sénégal7 croisent la route de Pape Laye, gestionnaire d’un de ces parcs automobiles âgé de 42 ans.
Alors qu’il démarre son véhicule, il répond avec une certaine tension : “Depuis le mercredi, veille du verdict, j’ai demandé à mes employés de déplacer toutes les voitures vers un lieu sécurisé. Je savais que le jeudi serait tendu. Les remboursements des assurances peuvent prendre du temps, et pendant cette période, les affaires tournent au ralenti. Il est donc important d’anticiper”, argue-il avec anxiété avant de se diriger vers la sortie de l’axe Djily Mbaye.
Pour l’instant, un calme règne sur le visage martyrisé de la commune Layenne, mais la population reste toujours sur ses gardes.